MISSIONS (SOCIÉTÉS PROTESTANTES DE)

MISSIONS (SOCIÉTÉS PROTESTANTES DE)
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MISSIONS SOCIÉTÉS PROTESTANTES DE

Au début du XIXe siècle, les divers réveils qui touchent les Églises protestantes d’Europe et d’Amérique du Nord produisent, entre autres, une reprise de l’activité missionnaire outre-mer, dans le monde «non chrétien». (On peut évoquer à ce sujet les liens de A. H. Francke et des piétistes de Halle avec les missions aux Indes et au Groenland, ou l’intérêt de Jonathan Edwards pour la prédication aux Indiens d’Amérique du Nord.) De fortes personnalités sont ainsi conduites à susciter la formation de sociétés et de comités destinés à soutenir et à prolonger leur action. Ainsi, W. Carey encourage-t-il la création de la Baptist Missionary Society (1792), puis, indirectement, celle de la London Missionary Society (1795).

Pendant une trentaine d’années, les initiatives sont surtout anglo-saxonnes: Church Missionary Society (1799), British and Foreign Bible Society (1804), American Board of Foreign Missions (1810)... Les pays choisis pour ces missions sont l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud. Les sociétés s’organisent de manière distincte des autres structures ecclésiastiques: elles cherchent à être multidénominationnelles, voire internationales, et sont animées par un projet précis. Si, parfois, elles apparaissent pour suppléer la carence des Églises, elles gardent en général un lien précis avec les populations protestantes qui leur fournissent l’essentiel de leurs ressources. Par ailleurs, ces sociétés gardent leur autonomie pour le recrutement du personnel missionnaire et pour l’orientation théologique de leur travail. Leur création s’explique au sein des Églises par le fait que la mission apparaît à celles-ci comme une œuvre parmi les autres, pouvant relever d’une agence spécialisée. Très tôt, elles encouragent des formes d’action autres que la prédication: ouverture d’hôpitaux, d’écoles, de fermes missionnaires.

Dans un second temps, ces sociétés se multiplient au sein des nombreuses Églises des pays européens, mais le souci y demeure permanent de trouver un soutien auprès d’individus dans des groupes locaux appartenant à diverses dénominations: 1815, mission dite «de Bâle», qui ouvre aussitôt une école des missions; 1824, mission «de Berlin»; 1836, mission «de Leipzig». Des sociétés sont créées en Suède (1835) et en Norvège (1842). En France, la Société des missions évangéliques de Paris est constituée en 1822, sa «maison des missions» ouverte en 1824, le Journal des missions évangéliques édité dès 1826, les premiers missionnaires (I. Bosseux, S. Rolland, P. Lémie) envoyés au Lesotho en 1829. Les créations se poursuivent tout au long du XIXe siècle et au début du XXe. Parfois, elles reflètent la situation coloniale: ainsi, en 1886, avec la fondation de la Mission pour l’Afrique occidentale allemande. Dans d’autres cas, elles sont le fait des missionnaires eux-mêmes, tel H. Taylor, qui crée la Chine Inland Mission en 1865. Elles peuvent encore naître d’initiatives familiales ou personnelles (1908, mission Rolland en Kabylie; 1922, Action chrétienne en Orient, sous l’impulsion de P. Berron).

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’activité des sociétés des missions participe de toutes les ambiguïtés du fait colonial. Mais l’existence de ces institutions originales assure parfois à l’activité missionnaire une certaine liberté au sein des forces politiques, économiques et militaires. Il n’est pas possible de porter un jugement univoque sur le lien entre les missions et le colonialisme. La relative indépendance des sociétés de missions par rapport aux institutions ecclésiastiques explique que, dès la fin du XIXe siècle, ces sociétés, les équipes missionnaires et les «jeunes Églises» ont joué un rôle décisif dans l’évolution du mouvement œcuménique. Préparée par des conférences missionnaires (au Bengale en 1855, au Japon en 1872, en Chine en 1877), par des unions entre Églises nouvelles, se refusant à refléter les divisions entre le protestantisme européen et le protestantisme anglo-saxon, et par des fusions entre les sociétés missionnaires elles-mêmes, la Conférence mondiale des missions, tenue à Édimbourg en 1910, marque une étape décisive et conduit à la constitution, en 1921, après la Première Guerre mondiale (qui met à l’épreuve autant qu’elle fortifie la collaboration missionnaire), du Conseil international des missions. Les conférences de Jérusalem en 1928, de Tambaram, près de Madras, en 1938, de Whitby, près de Toronto, en 1947, convoquées en liaison étroite avec d’autres assemblées œcuméniques, préparent l’intégration du Conseil international des missions dans le Conseil œcuménique des Églises, lors de l’Assemblée de New Delhi (1961). Désormais, les «jeunes Églises», au sein desquelles les unions se poursuivent de manière exemplaire le plus souvent (ainsi en 1947, pour l’Église de l’Inde du Sud) et qui développent leur collaboration mutuelle (1958, All Africa Churches), prennent part à la vie du protestantisme mondial d’une manière toute nouvelle par rapport aux décennies précédentes.

La mission apparaît aussi comme l’une des raisons d’être essentielles de toutes les Églises. L’évolution récente de la Société des missions évangéliques de Paris est significative à ce sujet. Depuis 1971, une communauté évangélique d’action apostolique rassemble les Églises francophones d’Europe, d’Afrique et de Polynésie. Des équipes multidénominationnelles, multiraciales et multinationales se mettent à l’œuvre dans chaque pays, soutenues, en ce qui concerne les Églises membres de la Fédération protestante de France, par un département français d’action apostolique qui recueille les fonds prélevés sur le budget ordinaire des Églises locales et recrute le personnel demandé. Toutes les sociétés missionnaires n’ont pas suivi ce chemin. La concurrence peut encore subsister, et le renouvellement de la réflexion sur les missions progresse parfois lentement. Il faut cependant souligner qu’une coopération s’amorce, sur des projets précis, avec les Églises orthodoxe et catholique et qu’un changement considérable se produit dans l’approche des religions autrefois désignées comme «non chrétiennes», ainsi que des formes contemporaines de sécularisation et de réinvestissement religieux, dans les pays mêmes où naguère étaient nées les sociétés de mission.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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